MOTEURS : COUPLE ET PUISSANCE
AUTODROME Cannes vous informe
En matière d'automobiles, une approximation courante consiste à retenir la puissance maximale comme critère principal des performances d'un moteur. Beaucoup commencent à reconnaître que c'est en réalité une erreur. Un ingénieur motoriste prendra d'abord en considération le couple moteur et la plage de régime disponible. En effet, la puissance est un facteur important, mais elle n'est que la résultante du couple et du régime moteur.
En effet, la Puissance d'un moteur à une vitesse de rotation donnée se définit simplement comme le produit du Couple par le Régime (*).
Puissance (Watt) = Couple (mètreNewton) x Régime (radian/seconde)
ou avec les unités courantes: Puissance
(cheval) = Couple (mkg) x Régime (tour/mn) /
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Ainsi, pour un moteur délivrant un couple sensiblement constant à tous les régimes, la puissance augmente avec le nombre de tours/minutes, pour atteindre naturellement son maximum à plein régime.
En vue d'augmenter la puissance maximale, les ingénieurs peuvent donc travailler sur l'un ou l'autre des deux facteurs: soit le couple, soit le régime maxi, voire sur les deux à la fois.
Sur les voitures de sport, qui étaient autrefois souvent dérivées de modèles de course (parfois même conçues pour être alignés en compétition), on a longtemps obtenu plus de puissance en accroissant le régime maxi, dont l'augmentation est plus simple à réaliser, pour une une architecture moteur donnée, que l'augmentation du couple.
Par ailleurs, devoir monter le régime pour disposer de toute la puissance n'est pas un inconvénient majeur sur une voiture de course. Beaucoup de constructeurs, prenant le chemin le plus court, ont ainsi monté sur leurs modèles sportifs des moteurs de course légèrement "civilisés", dont la puissance était atteinte grâce à un régime élevé (typiquement les V12 Ferrari tournant déjà à 7000 t/mn à la fin des années 50).
Depuis quelques années, la tendance s'est en partie inversée et les services de Recherche et Développement travaillent surtout sur le couple maximum, ainsi que sur la plage de régime auquel le couple est disponible. Etudions ces deux approches.
1 - Rechercher la puissance par l'augmentation du régime.
Le choix d'augmenter le régime de rotation convient bien lorsqu'on cherche surtout une vitesse maximale. Celle-ci est en général atteinte à plein régime, et sur le dernier rapport de boîte. La résistance de l'air augmentant avec la vitesse du véhicule, la puissance disponible au régime maximal de rotation favorise effectivement une vitesse maxi élevée.
L'inconvénient de cette approche est que la courbe de puissance est dite "pointue", c'est-à-dire qu'à moyen et bas régime (2000 à 4000 t/mn), peu de puissance est disponible. En effet, si le couple maximum n'est atteint qu'à haut régime, il en va de même de la puissance et il en résulte un moteur peu puissant à moyen et bas régime.
De ce fait, la capacité d'accélération et de reprises du véhicule est limitée car seulement une fraction de la puissance maximale est disponible à bas régime. En résumé, un moteur qui a peu de couple (ou dont le couple maxi n'est disponible qu'à haut régime) est condamné à tourner vite pour délivrer de la puissance.
Or un moteur ne délivrant sa puissance qu'à haut régime ("pointu") est plus adapté à la conduite en course qu'au Grand Tourisme rapide: un embrayage de course renforcé tolère les démarrages à haut régime, et le pilote, recherchant la performance pure, est prêt à changer de vitesse souvent pour rester dans les hauts régimes, c'est-à-dire dans une zone de puissance élevée.
Mais sur route ou autoroute, voire en ville, on n'apprécie guère de devoir "tirer" à fond sur les régimes pour obtenir un niveau d'accélération agréable. Par ailleurs, la fiabilité d'un moteur tournant souvent à très haut régime est nécessairement moins bonne que celle d'un moteur utilisé à régime plus modéré.
2 - Rechercher la puissance par l'augmentation du couple.
En fait, deux facteurs se conjuguent dans cette approche : la valeur pure du couple maximum bien sûr, mais aussi le régime auquel ce couple maximum est délivré : plus ce régime est bas, plus la puissance sera facilement disponible sans devoir monter dans les tours.
Un moteur développé en vue de délivrer un couple très élevé dès les bas ou moyens régimes pourra donc fournir une forte puissance quasiment sur toute la plage d'utilisation, en vertu de la formule de calcul : puissance = couple multiplié par régime.
En effet, lorsque le couple maximum est obtenu à bas régime, même si sa valeur diminue légèrement ensuite, l'augmentation du régime entraîne une augmentation corrélative de la puissance résultante. Le diagramme ci-dessous montre les courbes de couple de deux moteurs V12 atmosphériques: celui de la Pagani Zonda F et celui de la Ferrari Enzo.
Son observation permet de faire plusieurs constatations :
- Le couple maximum de la Zonda F est de 780 Nm, 20% supérieur à celui de la Ferrari Enzo qui ne dépasse pas 650 mN.
- Plus de 85% du couple, soit 650 mN (autant que la Enzo à son maximum), est déjà disponible dès 2500 t/mn.
- Entre 2000 et 4000 tours/mn, au régime où l'on embraye pour démarrer, la moteur de la Zonda délivre environ 35% de couple de plus que la Enzo.
Ces chiffres expliquent pourquoi Pagani a exigé le développement spécifique par AMG d'un V12 destiné exclusivement à la Zonda. Horacio Pagani voulait d'une part un couple moteur exceptionnellement élevé, et d'autre part - ce qui est tout aussi décisif - une courbe de couple favorisant la disponibilité de la puissance à bas et moyen régimes.
Les courbes de puissance résultante ci-dessous traduisent cette monumentale différence, et expliquent encore mieux le résultat obtenu pour chacune des deux conceptions: Ferrari a poursuivi son approche traditionnelle de moteurs "pointus", dont la puissance est atteinte à très haut régime (7800 t/mn sur la Enzo).
En revanche, la Pagani, grâce au couple disponible dès les très bas régimes, délivre une puissance très nettement supérieure à la Enzo sur toute la plage d'exploitation jusqu'à 6000 t/mn.
On voit par exemple que :
- dès 2500 t/mn, la Zonda développe 270 chevaux contre 170 pour la Enzo, soit 100 chevaux ou 58% de puissance en plus.
- la puissance disponible à 3000 t/mn est de 350 chevaux pour la Pagani, contre 215 pour la Enzo, soit 135 chevaux (ou 60%) de plus pour la Zonda, ce qui est énorme.
- Enfin, au régime encore modéré de 5000 t/mn, plus de 90% de la puissance, soit 530 chevaux sont à l'oeuvre chez Pagani, contre 455 sur la Enzo, soit 75 chevaux de différence.
C'est seulement au-delà de 7000 t/mn (régimes utilisés plutôt sur piste que sur route), que la Ferrari prend l'avantage.
Aucune autre automobile sportive ne s'approche de telles valeurs à ces régimes. C'est le résultat de conceptions avancées portant non sur une puissance pure à très haut régime, difficile sinon impossible à exploiter sur route, mais sur la disponibilité réelle du maximum de chevaux à tous régimes. C'est en ce sens que Pagani a fondé une "nouvelle génération" de voitures de Grand Tourisme.
Cette solution, certes beaucoup plus complexe à atteindre d'un point de vue technique, et qui est le résultat d'une avance considérable en matière d'ingéniérie, autorise des accélérations à la fois spectaculairement meilleures, et obtenues avec une aisance inouïe, car le conducteur, qu'il soit à mi-régime ou même au-dessous, dispose déjà de l'essentiel de la puissance.
Cette force d'accélération, conjuguée à une légèreté extrême (100 kg de moins qu'une Enzo, et 400 de moins qu'une Muciélago), confère à la Zonda F son statut de référence mondiale absolue en matière de performance. Naturellement la conception du châssis central tout carbone ultra-rigide - sans équivalent aujourd'hui - et la définition aérodynamique dérivée des légendaires "Groupes C" Sauber Mercedes, contribuent aussi à cette supériorité évidente.
(*) Le régime moteur en tours par minutes (t/mn) peut être converti en radian/seconde grâce à la formule suivante :
1 tour = 360° et 360° = 2 pi radian
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